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Relations commerciales Thierry Dahan, médiateur des relations commerciales agricoles : « Le prix du lait certes mais l’enjeu reste aussi la gestion des volumes ! »

"D'une quarantaine de médiations par an, le service de la Médiation des relations commerciales agricoles est passé à près de 180 en 2022 du fait notamment des effets de la guerre en Ukraine (hausse des cours, révision des contrats, évolution des indicateurs)", explique Thierry Dahan, médiateur des relations commerciales agricoles.

Actuellement conseiller-maître à la Cour des comptes, Thierry Dahan est avocat spécialisé en droit de la concurrence et de la régulation. Ancien vice-président de l’Autorité de la concurrence, il est devenu médiateur des relations commerciales agricoles fin 2021. Il fait le point sur l’évolution de ce service depuis sa création, à la fin des quotas laitiers.

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Constatez-vous une évolution dans les sujets des médiations et le nombre des demandes depuis la création de ce service de médiation ?

« La médiation a été créée pour faire face à la fin des quotas laitiers et à la nécessité d’établir des contrats entre les éleveurs et le premier acheteur. La médiation a d’abord aidé à établir ces contrats. Les éleveurs et leurs organisations n’avaient pas l’habitude de rédiger ce genre de documents. Le sujet initial de la médiation a donc été la mise sur le marché de la production. Cette thématique est moins en vue aujourd’hui mais à tort. En effet, si tout le monde se focalise sur le prix du lait, il ne faut pas oublier que l’enjeu agricole et industriel porte sur les volumes ! La production est périssable à court terme et il faut la collecter et l’écouler. Les investissements ou désinvestissements des producteurs portent sur les volumes. Aujourd’hui, les demandes de médiation ne portent plus sur la formalisation des contrats, mais plutôt sur leur mise à jour ou leur amélioration, notamment pour les formules de prix. Les responsables d’OP sont très réactifs et experts sur ces sujets. Si un accord est trouvé entre un industriel et une OP majoritaire, cet accord se déclinera rapidement vers les autres OP livrant ce même industriel. La tendance est plutôt à l’amélioration des conditions contractuelles dans le sillage des lois Égalim. [N.D.L.R. Cette analyse n’est pas partagée par les OP.] »

Quelles sont les particularités de la médiation ?

« Si vous me permettez cette comparaison, le médiateur intervient un peu comme un conseiller conjugal face à un risque de divorce. Sa saisine n’est pas obligatoire et il n’a pas les moyens juridiques d’empêcher le divorce ! Il aide à trouver une solution à l’amiable à condition que les deux parties souhaitent continuer à travailler ensemble. L’intérêt de cette démarche est qu’elle est gratuite et confidentielle. L’expérience montre que, si la volonté des parties de trouver un accord existe, l’intervention d’un tiers neutre peut être décisive pour aboutir. Pour les contrats amont passés avec les laiteries, la loi Égalim 2 impose que la médiation ne dure pas plus d’un mois, ce qui est très rapide. Cela se termine par un accord ou par une recommandation en cas d’échec. Nous avons expérimenté cette nouvelle procédure en 2022 et nous avons constaté qu’il est possible de travailler sous contrainte de temps lorsque tout le monde joue le jeu, y compris les équipes dirigeantes des industriels. La loi nous autorise aussi à accorder un mois supplémentaire quand la médiation est bien avancée et peut aboutir à bref délai. En cas d’échec, les parties peuvent faire appel au Comité de règlement des différends commerciaux agricoles mis en place en avril 2022. Pour l’instant l’occasion ne s’est pas présentée. À l’inverse de la médiation, ce comité a une vocation quasi juridictionnelle et va se substituer à un tribunal de première instance. Pour résumer, la médiation ne marche que si les parties veulent vraiment aboutir. En cas de conflits avérés, les parties ont, de toute façon, recours au tribunal.

L’éleveur seul peut-il demander une médiation quel que soit le premier acheteur, industriel privé ou coopérative ?

Oui, bien sûr ! Les coopératives ont été concernées par les premières demandes. Par exemple, le sujet des conditions de sortie anticipée de contrat d’apport (indemnités, préavis…) ou les conditions de réorientation vers une production à plus forte valeur ajoutée comme l’agriculture biologique ou les AOP ont été des sujets abordés. Depuis la nomination en 2020 de Gilles Vanackere, médiateur de la coopération agricole par le ministre en charge de l’Agriculture, le médiateur des relations commerciales instruit les saisines portant sur les aspects économiques (prix, volumes, pénalités) avant de transmettre ses recommandations à son collègue de la coopération.

Qu’en est-il de la contractualisation pour les veaux laitiers, rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2023 et plus globalement en viande bovine ?

Nous n’avons pas eu de demande à ce sujet. Il m’est difficile d’en parler car, lorsqu’on ne vient pas nous voir avec un dossier, nous n’avons pas les moyens d’obtenir des informations privilégiées sur un secteur ou une activité. Nous ne sommes que quatre, moi-même et les trois médiateurs délégués. Nous ne sommes pas sur le terrain comme une administration déconcentrée. C’est sans doute un des sujets qui nous attend à l’avenir : la généralisation de la contractualisation prévue par les lois Égalim si les filières concernées décident de s’y lancer.

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